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« Enku»

Biwako Biennal 2022

Installation,Techniques mixtes

 

En tant que sculpteur par taille directe je pars toujours de la donnée initiale qu'est le bloc de bois ou de pierre. Je le considère, le nettoie si nécessaire, et autant par l'étude que par intuition je cherche à le comprendre pour faire coïncider mes intentions de création avec lui dans une conversation artistique. J'aborde l'installation de la même façon.

 

Le principe de création de Biwako Biennale est parfois d'investir un lieu abandonné et ce fut mon cas lors de cette première participation. Mon lieu de création était la maison des Teramoto. Construite il y a près de 170 ans elle était le siège de la riche famille Teramoto qui en son temps avait fait fortune garce à la prospère manufacture de tuiles attenante à la maison. La partie de la maison que j'ai investie est la plus vielle de cette immense demeure. C'est un lieu lugubre, sombre, humide et encombré de vieilleries que j'ai découvert la première fois. Cela étant comme lors du premier contact avec un bloc je ne me suis pas arrêté aux apparences et après un peu de nettoyage je suis resté assis dans l'ombre un certain temps pour ressentir ce lieu comme je l’aurait fait devant un bloc.

 

Contrairement aux apparences c'est de la joie et de la sérénité que je perçois ici. Ce lieu me dévoile dans la pénombre une esthétique architecturale particulièrement apaisante et riche faite de successions de plans de l'intérieur vers l'extérieur et inversement. En soulevant quelques tatamis je découvre un espace pour y préparer le thé. Quelqu'un devait faire ici la cérémonie du thé et quand on connaît l'importance et la profondeur de cette pratique dans la culture japonaise rien d’étonnant à ce que l'on en ressente encore les vibrations du sol au plafond.

 

Je décide donc de révéler la joie et la sérénité du lieu avec comme axe de l’installation l'espace de préparation du thé et comme rayonnement autour de cet axe les perspectives de plans successifs intérieur et extérieur. Mon travail sculptural est basé sur l' impermanence et l' interdépendance et il prend aujourd'hui la forme du ciel et des nuages. Sur la base de cette intention de création et à partir des données initiales du lieu que j'ai découvertes la conversation artistique peut dès lors commencer entre nous. Le soûtra du cœur est notre point de convergence : «la forme est le vide et le vide la forme »

 

L'esthétique de l'abandon est une poésie de l'impermanence. Aussi à l’extérieur je me contente de réparer et nettoyer de-ci de-là pour mettre en scène deux sculptures symbole d'une présence passée dans un théâtre wabi-sabi.

 

À l’intérieur dans la pièce le temps a fait son œuvre et de nombreux éléments sont pourris par l' humidité. Je décide de pousser ce processus à son terme et de remplacer tout ce qui est détérioré par le vide du ciel. Ku : vide/ciel en japonais.

 

Dans la pièce de la cérémonie du thé appelée chashitsu, les murs de terre matérialisent l'ouverture, le ciel et l'univers. C'est à partir de cette terre appelée shikkui que je crée la texture du ciel et c'est à Kyoto dans un très vieille établissement fabriquant des pigments que je trouve le bleu dont j'ai besoin pour le peindre. J'enduis d'abord les surfaces de shikkui blanc et ensuite c'est en ajoutant des dégradés de ciel que je sculpte les nuages par le vide :

 

«la forme est le vide et le vide la forme »

« Dans ce ciel rond, Enku, ou flottent des notes de piano suspendues dans l'instant

Une vanitas d'albâtre illuminée nous rappelle notre condition passagère

Alors qu'un nuage de pierre s’élève sur d' anciennes vapeurs de thé

 

Julien Signolet

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